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moyens de cassation- conditions de recevabilite

Arrêt n° 5699 du 16 décembre 2015 (14-87.234) – Cour de cassation – Chambre criminelle – ECLI:FR:CCASS:2015:CR05699

COUR D’ASSISES

principe

 le moyen pris de ce que le témoin, qui n’était pas l’épouse de l’accusé,a été entendue sans prestation de serment n’est pas recevable, le fait constitutif d’une cause d’exclusion du serment ne pouvant être contesté pour la première fois devant la Cour de cassation 

le moyen, qui revient à remettre en question l’appréciation souveraine, par la cour et le jury, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis 

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 331 et 335 du code de procédure pénale ;

“en ce que le procès-verbal des débats porte mention de ce que Mme Y…, épouse de l’accusé, a été entendue sans prestation de serment ;

“alors que la liste de l’article 335 du code de procédure pénale, qui exclut, notamment, que puisse être reçue sous la foi du serment la déposition de la femme de l’accusé, est limitative ; que Mme Y… n’était unie à l’accusé que par un mariage religieux contracté à l’étranger et dépourvu d’effet légal en France, pour avoir été contracté à une date où l’accusé était toujours marié à K. Z…, son épouse française ; que, dès lors, Mme Y… ne pouvait être entendue sans avoir préalablement prêté serment” ;

Attendu que le moyen pris de ce que Mme Y…, qui n’était pas l’épouse de l’accusé, au sens de l’article 335 du code de procédure pénale, étant unie à celui-ci par un lien uniquement religieux, n’avait pas prêté serment préalablement à son audition, n’est pas recevable, le fait constitutif d’une cause d’exclusion du serment ne pouvant être contesté pour la première fois devant la Cour de cassation ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, préliminaire, 315, 316, 593 du code de procédure pénale, ensemble les droits de la défense ;

“en ce que par arrêt incident du 9 octobre 2014, la cour a dit n’y avoir lieu à supplément d’information ;

“ aux motifs qu’à ce stade des débats, les mesures complémentaires sollicitées ne sont pas nécessaires à la manifestation de la vérité ;

“alors que l’accusé, mis en accusation pour avoir entre Angoulême et le Maroc, entre le 1er juillet et le 24 août 2005, donné volontairement la mort à K. Z…, avec préméditation, faisait valoir qu’aucune recherche sérieuse n’avait été entreprise pour savoir si K. Z… n’était pas revenue à son domicile fin août 2005, qu’un constat d’huissier daté du 7 septembre 2005 mentionnait que la destinataire de l’acte – K. Z… – était en cours de déménagement deux jours plus tôt, ce qui était susceptible d’établir qu’elle avait été vue à son domicile le 5 septembre 2007 par un voisin en ayant informé l’huissier ; qu’il sollicitait en conséquence que des investigations complémentaires soient entreprises tendant à l’audition de l’huissier et des voisins ; qu’en s’abstenant d’expliciter en quoi de telles investigations n’étaient pas nécessaires à la manifestation de la vérité, alors que les faits sont contestés, que le corps de l’épouse de M. X… n’a jamais été retrouvé et qu’il n’existe aucun indice matériel de la commission d’un crime sur la personne de K. Z…, la cour n’a suffisamment pas motivé sa décision” ;

Attendu qu’il résulte du procès-verbal des débats que la cour saisie le 6 octobre 2014, de conclusions de l’accusé en vue d’obtenir un supplément d’information, a sursis à statuer sur cette demande par arrêt du même jour, avant de la rejeter par arrêt du 9 octobre 2014 prononcé, dans les termes reproduits au moyen, à l’issue de l’instruction à l’audience ;

Attendu qu’en l’état de cette appréciation souveraine, qui ne préjuge pas au fond, la cour a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués au moyen ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, 365-1, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

“en ce que M. X… a été déclaré coupable d’avoir, entre Angoulême et le Maroc, entre le 1er juillet et le 24 août 2005, volontairement donné la mort, avec préméditation, à K. Z… ;

“ aux motifs qu’il résulte des débats à l’audience que : K. Z…, a quitté à la mi-juillet 2005 son domicile sis 1 rue Pierre Benoît à Soyaux (Charente) en confiant précipitamment les clés de sa boîte aux lettres à sa collègue de travail, Mme Sylvie A…, avant de partir au Maroc en voiture pour ses congés d’été ; que M. X… reconnaît être parti au Maroc en compagnie de sa première épouse, K. Z…, à bord d’un véhicule Renault 21 appartenant à celle-ci ; qu’il précise qu’ils sont arrivés à Tanger le 14 juillet 2005, ce qui est corroboré par la fiche d’admission du véhicule sur le territoire marocain qui a ensuite été saisie par les enquêteurs ; que les personnes présentes au domicile des parents de M. X… à Casablanca ont constaté que contrairement à ses habitudes, il est arrivé au milieu de la nuit en ne prévenant que Mme Y…, qui lui a ouvert ; qu’il a été vu porteur d’un sac appartenant notoirement à K. Z…, qui selon plusieurs témoins, ne s’en défaisait jamais ; que la carte bancaire de K. Z… a été utilisée dans divers établissements bancaires de Casablanca, entre le 14 juillet 2005 et le 4 août 2005, où personne n’a constaté ni évoqué sa présence ; qu’elle n’a pas plus rendu visite à son père à Oujda comme elle le lui avait annoncé, ni à sa belle-soeur Mme X… qui l’accueillait habituellement à Marrakech ; que les proches de M. X… ont affirmé que celui-ci avait quitté le territoire marocain le 24 août 2005 en compagnie de sa seconde épouse Mme Y…, ceux ayant effectué le trajet de retour avec lui ajoutant qu’il avait pour cela utilisé un passeport de couleur rouge (européen) et non de couleur verte (marocain), dont il s’était ensuite débarrassé sur une aire d’autoroute en France ; que personne n’a jamais évoqué la présence de K. Z… dans le véhicule de M. X… à ce moment-là ; que les pressions policières ensuite alléguées pour justifier ces déclarations contraires à celles de M. X… sont peu vraisemblables, dès lors, que Mme Y… a confirmé à deux reprises devant le juge d’instruction, avant de se rétracter elle aussi, avoir quitté le Maroc le 24 août 2005 avec son fils et son mari, notamment lorsqu’elle a été confrontée à celui-ci le 23 juin 2009 et qu’elle a affirmé par écrit avoir dit la vérité, confrontation visionnée à l’audience ; que la fiche de sortie du territoire marocain établie le 24 août 2005 au nom de K. Z…, et que M. X… reconnaît avoir en partie rédigé de sa main, démontre de manière formelle que ce dernier a passé la frontière avec le passeport de K. Z… ; que l’existence de plusieurs points de passage à proximité du port maritime de Tanger ne permet pas de remettre en cause le passage de la frontière par Mme Y… avec M. X… en possession du passeport de K. ; que l’arrivée de Mme Y… à Soyaux le même jour que son mari et son fils est en outre confirmée par le témoignage à l’audience de Mme Rachel B…, qui était en 2005 la maîtresse de M. X… ; que K. Z… n’a pas repris son travail au lycée […] de Balzac à Angoulême le 1er septembre 2005 comme prévu et elle n’a pas réintégré son appartement ; qu’aucun mouvement bancaire n’a été enregistré depuis le 4 août 2005 sur ses comptes bancaires ; qu’elle n’a pas répondu à ceux qui, inquiets de ne pas avoir de ses nouvelles, ont tenté de la joindre sur son téléphone portable ; qu’elle n’a pas non plus été aperçue par les membres de sa belle-famille ou par ses amis résidant à Soyaux ; que M. X… ne s’est pas inquiété de la disparition de son épouse, contrairement aux autres membres de sa famille et s’est comporté comme s’il savait qu’elle ne reviendrait pas ; qu’ainsi, il a, dès son arrivée à Soyaux, et en tout cas avant le passage de l’huissier de justice le 7 septembre 2005, emporté des objets mobiliers appartenant à K. Z…, tel que cela résulte des photos visionnées à l’audience ; qu’il a, par ailleurs, donné certains objets à des tiers (l’ordinateur) a jeté ses effets personnels ; qu’il a également déposé dès le 14 septembre 2005 une requête en divorce, ce qu’il s’était jusqu’alors abstenu de faire ; qu’en outre, aucun élément ne confirme que M. X… se soit occupé seul de son fils alors âgé de 3 mois pendant plusieurs semaines ; qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que K. Z… a disparu sur le territoire marocain entre le 14 juillet et le 24 août 2005 et non sur le territoire français postérieurement à cette date comme le prétend M. X… ; que les recherches approfondies effectuées tant en France qu’au Maroc n’ont pas permis de retrouver une trace de vie de K. Z…, laquelle n’est jamais réapparue depuis ; que K. Z… était insérée socialement et professionnellement en Charente ; qu’elle ne souffrait d’aucun trouble psychiatrique, n’avait jamais essayé de se suicider, et n’avait jamais émis le souhait de quitter son travail et ses amis ; qu’elle restait, en outre, très attachée à son mari qui vivait aussi à Soyaux et s’était éloignée pour cette raison de sa famille d’origine installée à Chalon-sur-Marne ; que K. Z… craignait M. X… en raison des violences qu’il avait exercées à plusieurs reprises sur elle et ce dès la première année de leur mariage ; que depuis leur séparation, les deux époux ne se rendaient plus ensemble au Maroc ; que M. X… a reconnu à l’audience qu’il a obtenu une procuration destinée à dédouaner le véhicule Renault 21 appartenant à K. Z…, avant leur départ au Maroc ; que M. X… a convaincu K. Z… de se rendre au Maroc avec lui en lui expliquant que leur voyage était destiné à lui permettre de rencontrer et ramener en France l’enfant de Mme Y…, I. ; que cette explication est corroborée par les déclarations de Mme C… qui a rencontré K. Z… quelques jours avant son départ, faisant avec son mari des achats destinés au fils de celui-ci et à qui elle a expliqué qu’elle partait au Maroc rencontrer l’enfant, par celles de Mme X…, qui a confirmé l’achat de vêtements pour bébé qu’elles avaient effectué ensemble ; que ces éléments caractérisent la préméditation ; que M. X… a été décrit par ses proches comme par les experts qui l’ont examiné comme un individu capable de réagir violemment lorsqu’il est contrarié ; que les violences qu’il a commises sur ses soeurs et sa première épouse le confirment ; que M. X… est le dernier des proches de K. Z… à l’avoir vue en vie ; qu’il a menti sur les circonstances de la disparition de sa première épouse qui, refusant de divorcer pour laisser sa place à sa seconde épouse, constituait un obstacle à l’installation de Mme Y… à Soyaux ; qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que M. X… a, entre Angoulême et le Maroc, entre le 1er juillet et le 24 août 2005, volontairement donné la mort avec préméditation à K. Z…” ;

“alors que, pour que les exigences d’un procès équitable soient respectées, l’accusé doit être à même de comprendre le verdict qui a été rendu ; que l’article 365-1 du code de procédure pénale impose que la motivation puisse permettre d’identifier, pour chacun des faits reprochés à l’accusé, les principaux éléments à charge qui ont convaincu la cour d’assises ; que la feuille de motivation qui se borne à déduire d’un certain nombre d’éléments que K. Z… a disparu sur le territoire marocain entre le 14 juillet et le 24 août 2005, mais ne constate pas formellement son décès, laisse imprécis le lieu exact, le moment précis et les modalités du crime supposé et ne relève, chez l’accusé, aucun dessein d’attenter à la vie de K. Z…, ne satisfait pas aux exigences de ce texte et ne permet pas à l’accusé de comprendre le verdict de condamnation” ;

Attendu que les énonciations de la feuille de questions et celles de la feuille de motivation mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’assises, statuant en appel, a caractérisé les principaux éléments à charge, résultant des débats, qui l’ont convaincue de la culpabilité de l’accusé, et justifié sa décision, conformément aux dispositions conventionnelles invoquées et à l’article 365-1 du code de procédure pénale ;

D’où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l’appréciation souveraine, par la cour et le jury, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que la procédure est régulière et que la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la cour et le jury ;

Par ces motifs :

REJETTE le pourvoi ;


Président : M. Guérin
Rapporteur : Mme Drai, conseiller
Avocat général : M. Le Baut
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Richard

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