قرار المحكمة الأوروبية بشأن اتفاقية الصيد الأوروبية مع المغرب ( بالفرنسية)
ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)
27 février 2018 (*)
« Renvoi préjudiciel – Accord de partenariat entre la Communauté européenne et le Royaume du Maroc dans le secteur de la pêche – Protocole fixant les possibilités de pêche prévues par cet accord – Actes de conclusion de l’accord et du protocole – Règlements répartissant les possibilités de pêche fixées par le protocole entre les États membres – Compétence juridictionnelle – Interprétation – Validité au regard de l’article 3, paragraphe 5, TUE et du droit international – Applicabilité dudit accord et dudit protocole au territoire du Sahara occidental et aux eaux adjacentes »
Dans l’affaire C‑266/16,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division (Administrative Court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division du Queen’s Bench (chambre administrative), Royaume-Uni], par décision du 27 avril 2016, parvenue à la Cour le 13 mai 2016, dans la procédure
The Queen, à la demande de :
Western Sahara Campaign UK
contre
Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs,
Secretary of State for Environment, Food and Rural Affairs,
en présence de :
Confédération marocaine de l’agriculture et du développement rural (Comader),
LA COUR (grande chambre),
composée de M. K. Lenaerts, président, M. A. Tizzano, vice‑président, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. M. Ilešič, L. Bay Larsen, J. Malenovský (rapporteur), C. G. Fernlund et C. Vajda, présidents de chambre, M. A. Arabadjiev, Mme C. Toader, MM. M. Safjan, D. Šváby, Mmes M. Berger, A. Prechal et M. E. Jarašiūnas, juges,
avocat général : M. M. Wathelet,
greffier : Mme L. Hewlett, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 septembre 2017,
considérant les observations présentées :
– pour Western Sahara Campaign UK, par M. K. Beal, QC, M. C. McCarthy, barrister, et Mme R. Curling, solicitor,
– pour la Confédération marocaine de l’agriculture et du développement (Comader), par Mes J.-F. Bellis, R. Hicheri et M. Struys, avocats, ainsi que par Mme R. Penfold, solicitor,
– pour le gouvernement espagnol, par M. M. A. Sampol Pucurull, en qualité d’agent,
– pour le gouvernement français, par MM. F. Alabrune, D. Colas, B. Fodda, S. Horrenberger et L. Legrand, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement portugais, par MM. M. Figueiredo et L. Inez Fernandes, en qualité d’agents,
– pour le Conseil de l’Union européenne, par M. A. de Elera-San Miguel Hurtado et Mme A. Westerhof Löfflerová, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par MM. A. Bouquet, F. Castillo de la Torre et E. Paasivirta ainsi que par Mme B. Eggers, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 10 janvier 2018,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur la validité de l’accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la Communauté européenne et le Royaume du Maroc (JO 2006, L 141, p. 4, ci-après l’« accord de partenariat »), tel qu’approuvé et mis en œuvre par le règlement (CE) n° 764/2006 du Conseil, du 22 mai 2006, relatif à la conclusion de l’accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la Communauté européenne et le Royaume du Maroc (JO 2006, L 141, p. 1), par la décision 2013/785/UE du Conseil, du 16 décembre 2013, relative à la conclusion, au nom de l’Union européenne, du protocole entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues par l’accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc (JO 2013, L 349, p. 1), et par le règlement (UE) n° 1270/2013 du Conseil, du 15 novembre 2013, relatif à la répartition des possibilités de pêche au titre du protocole entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues par l’accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc (JO 2013, L 328, p. 40).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre de deux litiges opposant Western Sahara Campaign UK, respectivement, aux Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs (administration des impôts et des douanes, Royaume-Uni) et au Secretary of State for the Environment, Food and Rural Affairs (ministre de l’Environnement, de l’Alimentation et des Affaires rurales, Royaume-Uni) au sujet de la mise en œuvre, par cette administration et ce ministre, d’accords internationaux conclus entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc ainsi que d’actes de droit dérivé liés à ces accords.
Le cadre juridique
Le droit international
La charte des Nations unies
3 L’article 1er de la charte des Nations unies, signée à San Francisco le 26 juin 1945, énonce :
« Les buts des Nations [u]nies sont les suivants :
[…]
2. Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes […]
[…] »
4 Le chapitre XI de cette charte, intitulé « Déclaration relative aux territoires non autonomes », comprend l’article 73 de celle-ci, aux termes duquel :
« Les Membres des Nations [u]nies qui ont ouqui assument la responsabilité d’administrer des territoiresdont les populations ne s’administrent pas encore complètement elles-mêmes reconnaissent le principe de la primauté des intérêts des habitants de ces territoires. Ils acceptent comme une mission sacrée l’obligation de favoriser dans toute la mesure possible leur prospérité, dans le cadre du système de paix et de sécurité internationales établi par la présente [c]harte […]
[…] »
La convention sur le droit de la mer
5 La convention des Nations unies sur le droit de la mer, conclue à Montego Bay le 10 décembre 1982 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 1833, 1834 et 1835, p. 3, ci-après la « convention sur le droit de la mer »), est entrée en vigueur le 16 novembre 1994. Sa conclusion a été approuvée au nom de la Communauté par la décision 98/392/CE du Conseil, du 23 mars 1998 (JO 1998, L 179, p. 1).
6 La partie II de la convention sur le droit de la mer, intitulée « Mer territoriale et zone contigüe », comprend notamment l’article 2 de celle-ci, intitulé « Régime juridiquede la mer territoriale et de l’espace aérien surjacent, ainsi que du fond de cette mer et de son sous-sol », dont les paragraphes 1 et 3 prévoient :
« 1. La souveraineté de l’État côtier s’étend, au-delà de son territoire et de ses eaux intérieures et, dans le cas d’un État archipel, de ses eaux archipélagiques, à une zone de mer adjacente désignée sous le nom de mer territoriale.
[…]
3. La souveraineté sur la mer territoriale s’exerce dans les conditions prévues par les dispositions de la [c]onvention et les autres règles du droit international. »
7 La partie V de cette convention, intitulée « Zone économique exclusive », comprend notamment les articles 55 et 56 de celle-ci.
8 Aux termes de l’article 55 de ladite convention, intitulé « Régime juridique particulier de la zone économique exclusive », « [l]a zone économique exclusive est une zone située au-delà de la mer territoriale et adjacente à celle-ci, soumise au régime juridique particulier établi par la présente partie, en vertu duquel les droits et la juridiction de l’État côtier et les droits et libertés des autres États sont gouvernés par les dispositions pertinentes de la [c]onvention ».
9 L’article 56 de la même convention, intitulé « Droits, juridiction et obligations de l’État côtier dans la zone économique exclusive », stipule, à son paragraphe 1 :
« Dans la zone économique exclusive, l’État côtier a :
a) des droits souverains aux fins d’exploration et d’exploitation, de conservation et de gestion des ressources naturelles, biologiques ou non biologiques, des eaux surjacentes aux fonds marins, des fonds marins et de leur sous-sol, ainsi qu’en ce qui concerne d’autres activités tendant à l’exploration et l’exploitation de la zone à des fins économiques, […]
b) juridiction, conformément aux dispositions pertinentes de la [c]onvention, en ce qui concerne :
[…]
ii) la recherche scientifique marine ;
[…]
c) les autres droits et obligations prévus par la présente [c]onvention. »
La convention de Vienne sur le droit des traités
10 La convention de Vienne sur le droit des traités a été conclue à Vienne le 23 mai 1969 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 1155, p. 331, ci-après la « convention de Vienne sur le droit des traités »).
11 L’article 3 de cette convention, intitulé « Accords internationaux n’entrant pas dans le cadre de la présente [c]onvention », stipule :
« Le fait que la présente [c]onvention ne s’applique ni aux accords internationaux conclus entre des États et d’autres sujets du droit international ou entre ces autres sujets du droit international, ni aux accords internationaux qui n’ont pas été conclus par écrit, ne porte pas atteinte :
[…]
b) à l’application à ces accords de toutes règles énoncées dans la présente [c]onvention auxquelles ils seraient soumis en vertu du droit international indépendamment de ladite [c]onvention ;
[…] »
12 Aux termes de l’article 31 de ladite convention, intitulé « Règle générale d’interprétation » :
« 1. Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but.
2. Aux fins de l’interprétation d’un traité, le contexte comprend, outre le texte, préambule et annexes inclus :
a) tout accord ayant rapport au traité et qui est intervenu entre toutes les parties à l’occasion de la conclusion du traité ;
b) tout instrument établi par une ou plusieurs parties à l’occasion de la conclusion du traité et accepté par les autres parties en tant qu’instrument ayant rapport au traité.
3. Il sera tenu compte, en même temps que du contexte :
a) de tout accord ultérieur intervenu entre les parties au sujet de l’interprétation du traité ou de l’application de ses dispositions ;
b) de toute pratique ultérieurement suivie dans l’application du traité par laquelle est établi l’accord des parties à l’égard de l’interprétation du traité ;
c) de toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre les parties.
4. Un terme sera entendu dans un sens particulier s’il est établi que telle était l’intention des parties. »
13 Selon l’article 34 de la même convention, intitulé « Règle générale concernant les États tiers », « [u]n traité ne crée ni obligations ni droits pour un État tiers sans son consentement. »
Le droit de l’Union
L’accord d’association
14 L’accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et le Royaume du Maroc, d’autre part, a été signé à Bruxelles le 26 février 1996 (JO 2000, L 70, p. 2, ci-après l’« accord d’association »), et approuvé au nom des Communautés européennes par la décision 2000/204/CE, CECAdu Conseil et de la Commission, du 24 janvier 2000 (JO 2000, L 70, p. 1). Conformément à son article 96, il est entré en vigueur le 1er mars 2000, comme cela ressort de l’information publiée au Journal officiel des Communautés européennes (JO 2000, L 70, p. 228).
15 Le titre VIII de cet accord, intitulé « Dispositions institutionnelles générales et finales », comprend notamment l’article 94 de celui-ci, aux termes duquel « [l]e présent accord s’applique, d’une part, aux territoires où les traités instituant la Communauté européenneet la Communauté européenne du charbon et de l’acier sont appliqués et dans les conditions prévues par lesdits traités et, d’autre part, au territoire du Royaume du Maroc ».
L’accord de partenariat
16 Conformément à son article 17, l’accord de partenariat est entré en vigueur le 28 février 2007, comme cela ressort de l’information publiée au Journal officiel de l’Union européenne(JO 2007, L 78, p. 31).
17 Ainsi que cela découle de son préambule et de ses articles 1 et 3, cet accord entend intensifier les relations de coopération nouées par l’Union et le Royaume du Maroc, notamment dans le cadre de l’accord d’association, en instituant, dans le secteur de la pêche, un partenariat destiné à promouvoir une pêche responsable dans les zones de pêche marocaines et à mettre en œuvre de manière efficace la politique de la pêche marocaine. À cet effet, l’accord de partenariat instaure, notamment, des règles relatives à la coopération économique, financière, technique et scientifique entre les parties, aux conditions d’accès des navires battant pavillon des États membres aux zones de pêche marocaines, ainsi qu’aux modalités de contrôle des activités de pêche dans ces zones.
18 Dans ce cadre, il résulte de l’article 5 de l’accord de partenariat, intitulé « Accès des navires [de l’Union] aux pêcheries dans les zones de pêche marocaines », et plus particulièrement de ses paragraphes 1 et 4, ainsi que de l’article 6 de celui-ci, intitulé « Conditions d’exercice de la pêche », notamment de son paragraphe 1, que le Royaume du Maroc s’est engagé à « autoriser des navires [de l’Union] à exercer des activités de pêche dans ses zones de pêche conformément [à cet] accord, protocole et annexe compris », à la condition que ces navires détiennent une licence de pêche délivrée par les autorités de cet État tiers sur demande des autorités de l’Union. Pour sa part, l’Union s’est engagée à « prendre toutes les dispositions adéquates pour assurer le respect par ses navires des dispositions du[dit] accord comme de la législation régissant la pêche dans les eaux relevant de la juridiction du [Royaume du] Maroc, conformément à la convention […] sur le droit de la mer ».
19 L’article 11 de l’accord de partenariat, intitulé « Zone d’application », énonce que celui-ci s’applique, en ce qui concerne le Royaume du Maroc, « au territoire du Maroc et aux eaux sous juridiction marocaine ». Par ailleurs, sous l’intitulé « Définitions », l’article 2 de cet accord précise, à son point a), que la notion de « zone de pêche marocaine » doit être entendue, aux fins de cet accord, du protocole qui l’accompagne ainsi que de son annexe, comme renvoyant aux « eaux relevant de la souveraineté ou de la juridiction du Royaume du Maroc ».
20 L’article 16 de l’accord de partenariat prévoit que le protocole qui l’accompagne fait partie intégrante de cet accord, de même que l’annexe et les appendices qui sont joints audit protocole.
Le protocole de 2013
21 L’accord de partenariat était initialement accompagné par un protocole (ci-après le « protocole initial ») ayant pour objet de fixer, pendant une période de quatre ans, les possibilités de pêche prévues à son article 5.
22 Ce protocole initial a été remplacé par un autre protocole auquel a, à son tour, succédé, en 2013, le protocole entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues par l’accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc (JO 2013, L 328, p. 2, ci-après le « protocole de 2013 »). Ce dernier a été approuvé par la décision 2013/785 et est entré en vigueur le 15 juillet 2014, comme cela ressort de l’information publiée au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2014, L 228, p. 1).
23 Aux termes de l’article 1er du protocole de 2013, intitulé « Principes généraux », « [c]e protocole, avec l’annexe et ses appendices, fait partie intégrante de l’accord de partenariat […], qui s’inscrit dans le cadre de l’accord [d’association] ». Par ailleurs, ledit protocole « contribue à la réalisation des objectifs généraux de l’accord d’association ».
24 En vertu de l’article 2 du protocole de 2013, intitulé « Période d’application, durée et possibilités de pêche », les navires battant pavillon d’un État membre de l’Union, dès lors qu’ils détiennent une licence délivrée conformément à l’accord de partenariat et à ce protocole ainsi qu’à son annexe, se voient accorder, pour une période de quatre années, dans la zone de pêche marocaine, des possibilités de pêche artisanale, démersale et pélagique selon les modalités prévues dans le tableau joint audit protocole. Ces possibilités de pêche sont révisables d’un commun accord, en vertu de l’article 5 du même protocole.
25 L’annexe du protocole de 2013, intitulée « Conditions de l’exercice de la pêche dans la zone de pêche marocaine par les navires de l’Union européenne », comprend un chapitre III, intitulé « Zones de pêche » et libellé comme suit :
« Le [Royaume du] Maroc communique à l’Union […], avant la date d’application du protocole, les coordonnées géographiques des lignes de base et de sa zone de pêche ainsi que toutes zones interdites à la pêche à l’intérieur de celle-ci […]
Les zones de pêche pour chaque catégorie dans la zone atlantique du Maroc sont définies dans les fiches techniques (appendice 2) ».
26 L’appendice 2 à cette annexe comprend six fiches techniques numérotées de 1 à 6. Chacune de ces fiches techniques concerne une catégorie de pêche déterminée et définit les conditions d’exercice de la pêche pour cette catégorie. Parmi les conditions prévues par chacune desdites fiches figure la « [l]imite géographique de la zone autorisée ».
27 L’appendice 4 à ladite annexe, intitulé « Coordonnées des zones de pêche », indique notamment que, « [a]vant l’entrée en vigueur [du protocole de 2013], le [d]épartement [de la pêche maritime du ministère de l’Agriculture et de la Pêche maritime du Royaume du Maroc] communiquera à la Commission les coordonnées géographiques de la ligne de base marocaine, de la zone de pêche marocaine et des zones interdites à la navigation et à la pêche ».
Les actes de mise en œuvre de l’accord de partenariat et du protocole de 2013
28 Le règlement n° 764/2006 a notamment eu pour objet, ainsi que cela ressort de son considérant 3, de définir la clef de répartition entre les États membres des possibilités de pêche prévues par l’accord de partenariat, pendant la période d’application du protocole initial. Son article 2 a attribué un quota de 2 500 tonnes au Royaume-Uni au titre de la pêche pélagique industrielle.
29 De manière similaire, le règlement n° 1270/2013 a eu pour objet de définir la méthode de répartition entre les États membres des possibilités de pêche prévues par l’accord de partenariat pendant la période d’application du protocole de 2013. L’article 1er de ce règlement a attribué un quota de 4 525 tonnes au Royaume-Uni au titre de la pêche pélagique industrielle.
Les litiges au principal, la procédure devant la Cour et les questions préjudicielles
30 Western Sahara Campaign UK est une organisation bénévole ayant pour objet de promouvoir la reconnaissance du droit à l’autodétermination du peuple du Sahara occidental.
31 Elle a introduit deux recours devant la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division (Administrative Court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division du Queen’s Bench (chambre administrative), Royaume-Uni]. Le premier de ces litiges porte sur le point de savoir si l’administration des impôts et des douanes du Royaume-Uni est en droit d’accepter l’importation, dans cet État membre, de produits provenant du territoire du Sahara occidental, en tant que produits certifiés comme étant originaires du Royaume du Maroc au sens de l’accord d’association. Le second met en cause la politique de la pêche élaborée par le ministre de l’Environnement, de l’Alimentation et des Affaires rurales du Royaume-Uni, au motif que celle-ci prévoit d’inclure les eaux adjacentes au territoire du Sahara occidental dans le champ d’application des mesures de droit interne destinées à mettre en œuvre l’accord de partenariat, le protocole de 2013 ainsi que les actes de droit dérivé par lesquels l’Union a attribué des possibilités de pêche aux États membres en vertu de cet accord et de ce protocole.
32 Devant la juridiction de renvoi, Western Sahara Campaign UK soutient que l’accord d’association, l’accord de partenariat, le protocole de 2013 et les actes de droit dérivé qui attribuent des possibilités de pêche aux États membres sur le fondement de ces derniers violent l’article 3, paragraphe 5, TUE, aux termes duquel l’Union contribue au strict respect du droit international, et notamment des principes de la charte des Nations unies, dans ses relations avec le reste du monde, dans la mesure où ces différents accords internationaux sont applicables au territoire du Sahara occidental ainsi qu’aux eaux adjacentes à ce territoire. En effet, l’inclusion de ce territoire et de ces eaux dans leur champ d’application territorial serait manifestement incompatible avec le droit international et, plus précisément, avec le droit à l’autodétermination, l’article 73 de la charte des Nations unies, les dispositions de la convention sur le droit de la mer ainsi que les obligations faites aux États et aux autres sujets de droit international de mettre fin à une violation grave d’une norme impérative de ce droit, de ne pas reconnaître une situation engendrée par une telle violation et de ne pas prêter assistance à la commission d’un fait internationalement illicite. En outre, l’accord d’association, l’accord de partenariat et le protocole de 2013 n’auraient pas été conclus au nom du peuple du Sahara occidental ou en consultation avec ses représentants. Enfin, il n’existerait aucune preuve de l’existence d’un bénéfice, au profit de ce peuple, qui résulterait de ces trois accords internationaux.
33 La juridiction de renvoi indique que les défendeurs au principal font valoir, quant à eux, que le Conseil de l’Union européenne et la Commission n’ont pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en estimant que la conclusion d’accords internationaux tels que l’accord d’association, l’accord de partenariat et le protocole de 2013 n’était pas contraire au droit international.
34 Eu égard à ces arguments, la juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour quatre questions préjudicielles, dont les deux premières portaient sur l’interprétation et la validité de l’accord d’association, tandis que les deux dernières concernent la validité de l’accord de partenariat et de différents actes de droit dérivé liés à ce dernier accord.
35 Par sa première question, elle a interrogé la Cour sur l’interprétation de l’accord d’association, en demandant si les références au « Royaume du Maroc » figurant dans cet accord devaient être interprétées en ce sens qu’elles renvoyaient seulement au territoire souverain de cet État, excluant ainsi que des produits originaires du territoire du Sahara occidental soient admis à l’importation dans l’Union en exemption de droits de douane en vertu dudit accord.
36 Par sa deuxième question, posée dans l’hypothèse où l’accord d’association permettrait que des produits originaires du territoire du Sahara occidental soient admis à l’importation dans l’Union en exemption de droits de douane, la juridiction de renvoi a demandé si cet accord était valide au regard de l’article 3, paragraphe 5, TUE.
37 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour, sur la base d’une hypothèse analogue à celle sous-jacente à sa deuxième question, sur la validité de l’accord de partenariat et du protocole de 2013. À cet égard, elle a demandé, en substance, dans quelle mesure l’Union était en droit, compte tenu de l’article 3, paragraphe 5, TUE, de conclure, avec le Royaume du Maroc, des accords internationaux permettant l’exploitation des ressources naturelles originaires des eaux adjacentes au territoire du Sahara occidental. Selon elle, il est possible de considérer que la conclusion de tels accords internationaux n’est pas interdite de façon générale et absolue, en dépit de l’absence de reconnaissance de la souveraineté du Royaume du Maroc sur le Sahara occidental par la communauté internationale, d’une part, et de l’occupation prolongée de ce territoire non autonome par cet État, d’autre part. Toutefois, leur conclusion serait subordonnée à la double exigence qu’ils soient conformes à la volonté du peuple du Sahara occidental et qu’ils bénéficient à ce dernier. En l’occurrence, il appartiendrait donc à la Cour d’apprécier dans quelle mesure l’accord de partenariat et le protocole de 2013 respectent cette double exigence.
38 Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi a demandé, en substance, si une personne telle que la requérante au principal, dont la qualité pour agir est établie en droit interne, pouvait être autorisée à contester la validité d’accords internationaux tels que l’accord d’association, l’accord de partenariat et le protocole de 2013, ainsi que celle de leurs actes de conclusion et de mise en œuvre, pour des motifs tirés de ce que l’Union aurait violé le droit international. À ce propos, elle a indiqué que, si les litiges au principal devaient être tranchés au regard du seul droit interne, les recours seraient rejetés au motif qu’ils impliquent de porter une appréciation sur la légalité du comportement d’autorités étrangères. Elle a également souligné que, dans son arrêt du 15 juin 1954, Affaire de l’or monétaire pris à Rome en 1943 (CIJ Recueil 1954, p. 19), la Cour internationale de justice a jugé que son statut lui interdisait de faire des constatations mettant en cause la conduite, ou portant atteinte aux droits, d’un État qui n’est pas partie à la procédure devant elle et qui n’a pas consenti à être lié par ses décisions. La juridiction de renvoi a cependant ajouté que les litiges au principal ont pour objet la validité d’actes de l’Union et qu’une déclaration d’incompétence de la Cour, dans un cas où il existe un doute sérieux au sujet de la validité des actes en cause, pourrait porter atteinte à l’effet utile de l’article 3, paragraphe 5, TUE.
39 Postérieurement au dépôt de la demande de décision préjudicielle, la Cour a jugé que l’accord d’association doit être interprété, conformément aux règles de droit international qui lient l’Union, en ce sens que cet accord n’est pas applicable au territoire du Sahara occidental (arrêt du 21 décembre 2016, Conseil/Front Polisario, C‑104/16 P, EU:C:2016:973).
40 À la suite du prononcé de cet arrêt, la juridiction de renvoi a été interrogée sur le point de savoir si elle souhaitait maintenir ou retirer ses deux premières questions, relatives à l’interprétation et à la validité de l’accord d’association. En réponse, elle a fait savoir que celles-ci devaient être considérées comme retirées.
41 Dans ces conditions, la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division (Administrative Court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division du Queen’s Bench (chambre administrative)], a décidé de maintenir les questions préjudicielles suivantes :
« 1) L’[accord de partenariat], tel qu’approuvé et mis en œuvre par le règlement n° 764/2006, la décision 2013/785 et le règlement n° 1270/2013, est-il valide, compte tenu des dispositions de l’article 3, paragraphe 5, TUE, qui imposent [à l’Union] l’obligation de contribuer au respect de tout principe pertinent du droit international ainsi que des principes de la charte des Nations unies, et compte tenu de la mesure dans laquelle [cet accord] a été conclu au bénéfice du peuple sahraoui, en son nom, conformément à sa volonté et/ou en consultation avec ses représentants reconnus ?
2) La requérante au principal a-t-elle le droit de contester la validité d’actes de l’Union au motif que l’Union aurait violé le droit international, compte tenu, en particulier :
a) du fait que, bien qu’elle ait qualité, en vertu du droit interne, pour contester en justice la validité de ces actes de l’Union, elle ne se prévaut d’aucun droit au titre du droit de l’Union, et/ou
b) du principe établi dans l’affaire de l’or monétaire [arrêt du 15 juin 1954 CIJ, Recueil 1954, p. 19], selon lequel la Cour internationale de justice ne saurait faire de constatations mettant en cause la conduite, ou portant atteinte aux droits, d’un État qui n’est pas partie à la procédure devant elle et qui n’a pas consenti à être lié par ses décisions ? »
Sur la compétence de la Cour
42 Le Conseil considère que la Cour n’est pas compétente pour examiner la validité d’accords internationaux, tels que l’accord de partenariat et le protocole de 2013, dans le cadre d’une procédure préjudicielle. Il estime en effet que la Cour est uniquement compétente pour se prononcer sur la validité des actes de l’Union portant conclusion de ces accords.
43 À cet égard, l’article 19, paragraphe 3, sous b), TUE et l’article 267, premier alinéa, sous b), TFUE prévoient que la Cour est compétente pour statuer, à titre préjudiciel, sur l’interprétation du droit de l’Union et la validité des actes adoptés par les institutions de l’Union.
44 Il résulte de ces dispositions que la Cour est compétente pour statuer à titre préjudiciel sur l’interprétation et la validité des actes pris par les institutions de l’Union, sans exception aucune (arrêts du 13 décembre 1989, Grimaldi, C‑322/88, EU:C:1989:646, point 8, ainsi que du 13 juin 2017, Florescu e.a., C‑258/14, EU:C:2017:448, point 30).
45 Or, il est de jurisprudence constante que les accords internationaux conclus par l’Union en vertu des dispositions des traités constituent, en ce qui la concerne, des actes pris par les institutions de celle-ci (arrêts du 16 juin 1998, Racke, C‑162/96, EU:C:1998:293, point 41, et du 25 février 2010, Brita, C‑386/08, EU:C:2010:91, point 39).
46 À ce titre, de tels accords font, à compter de leur entrée en vigueur, partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 30 avril 1974, Haegeman, 181/73, EU:C:1974:41, point 5, et du 22 novembre 2017, Aebtri, C‑224/16, EU:C:2017:880, point 50). De ce fait, leurs dispositions doivent être pleinement compatibles avec les dispositions des traités et avec les principes constitutionnels qui en découlent [voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 285, ainsi que avis 1/15 (Accord PNR UE-Canada), du 26 juillet 2017, EU:C:2017:592, point 67]. Plus particulièrement, d’une part, leur contenu matériel doit être compatible avec les règles gouvernant les compétences des institutions de l’Union ainsi qu’avec les règles de fond pertinentes. D’autre part, leurs modalités de conclusion doivent être conformes aux règles de forme et de procédure applicables en droit de l’Union [voir, en ce sens, avis 1/75 (Arrangement OCDE – Norme pour les dépenses locales), du 11 novembre 1975, EU:C:1975:145, p. 1360 et 1361, ainsi que avis 1/15 (Accord PNR UE-Canada), du 26 juillet 2017, EU:C:2017:592, points 69 et 70].
47 Par ailleurs, l’Union est tenue, conformément à une jurisprudence constante, d’exercer ses compétences dans le respect du droit international dans son ensemble, en ce compris non seulement les règles et les principes du droit international général et coutumier, mais également les dispositions des conventions internationales qui la lient (voir, en ce sens, arrêts du 24 novembre 1992, Poulsen et Diva Navigation, C‑286/90, EU:C:1992:453, point 9 ; du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 291, ainsi que du 21 décembre 2011, Air Transport Association of America e.a., C‑366/10, EU:C:2011:864, points 101 et 123).
48 Dès lors, la Cour est compétente, tant dans le cadre d’un recours en annulation que dans celui d’une demande de décision préjudicielle, pour apprécier si un accord international conclu par l’Union est compatible avec les traités [voir, en ce sens, avis 1/75 (Arrangement OCDE – Norme pour les dépenses locales), du 11 novembre 1975, EU:C:1975:145, p. 1361] et avec les règles de droit international qui, conformément à ceux-ci, lient l’Union.
49 Il convient d’ajouter que les accords internationaux conclus par l’Union lient non seulement les institutions de celle-ci, conformément à l’article 216, paragraphe 2, TFUE, mais également les États tiers parties à ces accords.
50 Ainsi, il y a lieu de considérer que, dans l’hypothèse où, comme en l’occurrence, la Cour est saisie d’une demande de décision préjudicielle portant sur la validité d’un accord international conclu par l’Union, cette demande doit être comprise comme visant l’acte par lequel l’Union a conclu un tel accord international (voir, par analogie, arrêts du 9 août 1994, France/Commission, C‑327/91, EU:C:1994:305, point 17, ainsi que du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, points 286 et 289).
51 Compte tenu des obligations de l’Union énoncées aux points 46 et 47 du présent arrêt, le contrôle de validité que la Cour peut être conduite à opérer dans un tel contexte est néanmoins susceptible de porter sur la légalité de cet acte au regard du contenu même de l’accord international en cause (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 289 et jurisprudence citée).
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
Observations préliminaires
52 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande à la Cour d’apprécier la validité, au regard de l’article 3, paragraphe 5, TUE, tout d’abord, du règlement n° 764/2006, ensuite, de la décision 2013/785 et, enfin, du règlement n° 1270/2013.
53 Ainsi qu’il ressort du point 37 du présent arrêt, cette question est posée en partant de l’hypothèse que l’accord de partenariat et le protocole de 2013 permettent l’exploitation des ressources originaires des eaux adjacentes au territoire du Sahara occidental. Une telle hypothèse implique elle-même que ces eaux sont incluses dans le champ d’application territorial respectif dudit accord et dudit protocole, de telle sorte que les navires battant pavillon des États membres peuvent y accéder, en vertu de ces deux accords internationaux, afin d’exploiter les ressources en cause.
54 Par ladite question, la juridiction de renvoi cherche donc, en substance, à savoir si la circonstance que l’exploitation des ressources originaires des eaux adjacentes au territoire du Sahara occidental est permise par l’accord de partenariat et le protocole de 2013 entache d’invalidité le règlement n° 764/2006, la décision 2013/785 et le règlement n° 1270/2013.
55 Or, une telle question d’appréciation de validité n’a lieu d’être que si l’hypothèse sur laquelle elle repose est exacte.
56 Partant, il y a lieu de vérifier au préalable si les eaux adjacentes au territoire du Sahara occidental relèvent de l’accord de partenariat et du protocole de 2013. Cette vérification implique, à son tour, d’examiner les dispositions déterminant le champ d’application territorial respectif de ces deux accords internationaux.
Sur le champ d’application territorial de l’accord de partenariat
57 L’accord de partenariat contient trois dispositions déterminant son champ d’application territorial. Tout d’abord, l’article 11 de cet accord précise que celui-ci s’applique, en ce qui concerne le Royaume du Maroc, au « territoire du Maroc et aux eaux sous juridiction marocaine ». Ensuite, l’article 5 dudit accord prévoit, en ce qui concerne plus spécifiquement les activités de pêche, que les navires battant pavillon des États membres sont autorisés à « exercer des activités de pêche dans [l]es zones de pêche [du Royaume du Maroc] ». Enfin, son article 2, sous a), précise que la notion de « zone de pêche marocaine » renvoie aux « eaux relevant de la souveraineté ou de la juridiction du Royaume du Maroc ».
58 Pour interpréter ces dispositions, il y a lieu de se référer aux règles de droit international coutumier reflétées par les dispositions de l’article 31 de la convention de Vienne sur le droit des traités, qui lient les institutions de l’Union et font partie de l’ordre juridique de cette dernière (voir, en ce sens, arrêt du 25 février 2010, Brita, C‑386/08, EU:C:2010:91, points 40 à 43 ainsi que jurisprudence citée), ainsi qu’à la convention sur le droit de la mer, qui lie l’Union et à laquelle se réfère explicitement le deuxième alinéa du préambule de l’accord de partenariat ainsi que l’article 5, paragraphe 4, de cet accord.
59 À cet égard, il importe de relever, en premier lieu, qu’il découle du premier alinéa du préambule de l’accord de partenariat que celui-ci concrétise le désir commun de l’Union et du Royaume du Maroc d’intensifier les étroites relations de coopération qu’ils ont établies, notamment, dans le cadre de l’accord d’association. À ce titre, l’accord de partenariat s’inscrit dans un ensemble conventionnel ayant pour cadre l’accord d’association.
60 La structure de cet ensemble conventionnel est clairement mise en exergue par le protocole de 2013, qui doit être pris en compte aux fins de l’interprétation de l’accord de partenariat dès lors qu’il constitue un accord ultérieur conclu par les deux parties à cet accord, au sens de l’article 31, paragraphe 3, sous a), de la convention de Vienne sur le droit des traités. En effet, l’article 1er du protocole de 2013 énonce que tant celui-ci que l’accord de partenariat s’inscrivent dans le cadre de l’accord d’association, aux objectifs duquel ils contribuent.
61 Compte tenu de l’existence de cet ensemble conventionnel, il y a lieu de comprendre la notion de « territoire du Maroc », figurant à l’article 11 de l’accord de partenariat, de la même manière que la notion de « territoire du Royaume du Maroc », figurant à l’article 94 de l’accord d’association.
62 Or, la Cour a déjà relevé que cette dernière notion doit être comprise comme renvoyant à l’espace géographique sur lequel le Royaume du Maroc exerce la plénitude des compétences reconnues aux entités souveraines par le droit international, à l’exclusion de tout autre territoire, tel que celui du Sahara occidental (arrêt du 21 décembre 2016, Conseil/Front Polisario, C‑104/16 P, EU:C:2016:973, points 95 et 132).
63 En effet, l’inclusion du territoire du Sahara occidental dans le champ d’application de l’accord d’association enfreindrait certaines règles de droit international général applicables dans les relations entre l’Union et le Royaume du Maroc, à savoir le principe d’autodétermination, rappelé à l’article 1er de la charte des Nations unies, et le principe de l’effet relatif des traités, dont l’article 34 de la convention de Vienne sur le droit des traités constitue une expression particulière (arrêt du 21 décembre 2016, Conseil/Front Polisario, C‑104/16 P, EU:C:2016:973, points 88 à 93, 100, 103 à 107 et 123).
64 Dans ces conditions, le territoire du Sahara occidental ne relève pas de la notion de « territoire du Maroc », au sens de l’article 11 de l’accord de partenariat.
65 En deuxième lieu, l’accord de partenariat est applicable non seulement au territoire du Royaume du Maroc, mais également aux « eaux relevant de la souveraineté ou de la juridiction » de cet État, ainsi qu’indiqué au point 57 du présent arrêt. Pour sa part, l’accord d’association n’utilise pas une telle expression.
66 Or, aux fins d’interpréter ladite expression, il convient de se référer à la convention sur le droit de la mer, comme cela est indiqué au point 58 du présent arrêt.
67 À cet égard, il résulte de l’article 2, paragraphe 1, de ladite convention que la souveraineté de l’État côtier s’étend, au-delà du territoire de ce dernier et de ses eaux intérieures, à une zone de mer adjacente désignée sous le nom de « mer territoriale ». En outre, en vertu des articles 55 et 56 de celle-ci, l’État côtier se voit reconnaître une juridiction assortie de certains droits dans une zone située au-delà de sa mer territoriale et adjacente à celle-ci, qui est désignée sous le nom de « zone économique exclusive ».
68 Il en découle que les eaux sur lesquelles l’État côtier est en droit d’exercer une souveraineté ou une juridiction, en vertu de la convention sur le droit de la mer, se limitent aux seules eaux adjacentes à son territoire et relevant de sa mer territoriale ou de sa zone économique exclusive.
69 Par voie de conséquence, et compte tenu du fait que le territoire du Sahara occidental ne fait pas partie du territoire du Royaume du Maroc, ainsi que cela a été rappelé aux points 62 à 64 du présent arrêt, les eaux adjacentes au territoire du Sahara occidental ne relèvent pas de la zone de pêche marocaine visée à l’article 2, sous a), de l’accord de partenariat.
70 En troisième et dernier lieu, il découle certes de l’article 31, paragraphe 4, de la convention de Vienne sur le droit des traités qu’il est loisible aux parties à un traité de convenir qu’un terme figurant dans celui-ci aura un sens particulier.
71 Cependant, s’agissant de l’expression « eaux relevant de la souveraineté […] du Royaume du Maroc » employée à l’article 2, sous a), de l’accord de partenariat, il doit être relevé qu’il serait contraire aux règles de droit international visées au point 63 du présent arrêt, que l’Union doit respecter et qui s’appliquent mutatis mutandis en l’occurrence, d’inclure, à ce titre, les eaux directement adjacentes à la côte du territoire du Sahara occidental dans le champ d’application de cet accord. En conséquence, l’Union ne saurait valablement partager une intention du Royaume du Maroc d’inclure, à un tel titre, les eaux en question dans le champ d’application dudit accord.
72 Quant à l’expression « eaux relevant de […] la juridiction du Royaume du Maroc » figurant à cette disposition, le Conseil et la Commission ont envisagé, entre autres hypothèses, que le Royaume du Maroc puisse être regardé comme une « puissance administrante de facto » ou une puissance occupante du territoire du Sahara occidental et qu’une telle qualification puisse s’avérer pertinente en vue de déterminer le champ d’application de l’accord de partenariat. À cet égard, il suffit toutefois d’observer que, sans même qu’il soit besoin d’examiner si une éventuelle intention commune des parties à l’accord de partenariat de donner à cette expression un sens particulier, afin de tenir compte de telles circonstances, aurait été conforme aux règles de droit international qui lient l’Union, une telle intention commune ne saurait, en tout état de cause, être constatée en l’occurrence dès lors que le Royaume du Maroc a catégoriquement exclu d’être une puissance occupante ou une puissance administrante du territoire du Sahara occidental.
73 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que les eaux adjacentes au territoire du Sahara occidental ne relèvent pas de l’expression « eaux relevant de la souveraineté ou de la juridiction du Royaume du Maroc », figurant à l’article 2, sous a), de l’accord de partenariat.
Sur le champ d’application territorial du protocole de 2013
74 Pour ce qui est du protocole de 2013, il convient, en premier lieu, de rappeler qu’il s’inscrit dans le cadre d’une succession de protocoles ayant tous eu pour objet de fixer, pour une période déterminée, les possibilités de pêche prévues à l’article 5 de l’accord de partenariat au bénéfice des navires battant pavillon des États membres, ainsi que cela a été exposé aux points 21 et 22 du présent arrêt.
75 À la différence de l’accord de partenariat, le protocole de 2013 ne comporte aucune disposition spécifique fixant son champ d’application territorial.
76 Cependant, différentes dispositions de ce protocole utilisent l’expression de « zone de pêche marocaine ».
77 Or, cette expression est identique à celle figurant à l’article 2, sous a), de l’accord de partenariat, qui énonce, d’une part, qu’elle doit être entendue comme renvoyant aux « eaux relevant de la souveraineté ou de la juridiction du Royaume du Maroc », et, d’autre part, qu’une telle définition vaut non seulement pour cet accord, mais également pour le protocole qui l’accompagne ainsi que pour son annexe. En outre, il résulte de l’article 16 de l’accord de partenariat et de l’article 1er du protocole de 2013 que ce protocole, son annexe et ses appendices font partie intégrante dudit accord.
78 Il s’ensuit que l’expression « zone de pêche marocaine », employée tant par l’accord de partenariat que par le protocole de 2013 dont elle détermine le champ d’application territorial, doit être comprise comme renvoyant aux eaux relevant de la souveraineté ou de la juridiction du Royaume du Maroc.
79 Par voie de conséquence, et conformément à l’interprétation figurant au point 73 du présent arrêt, il doit être considéré que l’expression « zone de pêche marocaine », au sens dudit protocole, ne comprend pas les eaux adjacentes au territoire du Sahara occidental.
80 En second lieu, il convient de constater, d’une part, que l’annexe du protocole de 2013 prévoit, à son chapitre III, intitulé « Zones de pêche », que « [l]e [Royaume du] Maroc communique à l’Union […], avant la date d’application d[e ce] protocole, les coordonnées géographiques des lignes de base et de sa zone de pêche ». D’autre part, l’appendice 4 à cette annexe, intitulé « Coordonnées des zones de pêche », précise, dans le même contexte, que, « [a]vant l’entrée en vigueur [dudit protocole], le [d]épartement [de la pêche maritime du ministère de l’Agriculture et de la Pêche maritime du Royaume du Maroc] communiquera à la Commission les coordonnées géographiques de la ligne de base marocaine [et] de la zone de pêche marocaine ».
81 À cet égard, il ressort du dossier soumis à la Cour que la communication des coordonnées géographiques visées par les dispositions citées au point précédent n’est intervenue que le 16 juillet 2014. Étant donné que le protocole de 2013 est entré en vigueur le 15 juillet 2014, ces coordonnées géographiques ne font pas partie du texte de celui-ci, tel que convenu par les parties.
82 En tout état de cause, eu égard à l’interprétation figurant au point 79 du présent arrêt et aux motifs qui la fondent, il importe de relever que, même si lesdites coordonnées géographiques avaient été communiquées antérieurement à l’entrée en vigueur du protocole de 2013, elles n’auraient en aucune façon pu remettre en cause l’interprétation de l’expression « zone de pêche marocaine » figurant audit point et étendre le champ d’application de ce protocole en y incluant les eaux adjacentes au territoire du Sahara occidental.
83 Ainsi, il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’accord de partenariat et le protocole de 2013 doivent être interprétés, conformément aux règles de droit international qui lient l’Union et qui sont applicables dans les relations entre celle-ci et le Royaume du Maroc, en ce sens que les eaux adjacentes au territoire du Sahara occidental ne relèvent pas du champ d’application territorial respectif de cet accord et de ce protocole.
84 Partant, l’hypothèse inverse qui, ainsi que cela est indiqué aux points 53 et 54 du présent arrêt, fonde les interrogations de la juridiction de renvoi à propos de la validité du règlement n° 764/2006, de la décision 2013/785 et du règlement n° 1270/2013 s’avère inexacte.
85 Dans ces conditions, il convient de répondre à la première question que, dès lors que ni l’accord de partenariat ni le protocole de 2013 ne sont applicables aux eaux adjacentes au territoire du Sahara occidental, son examen n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité du règlement n° 764/2006, de la décision 2013/785 et du règlement n° 1270/2013 au regard de l’article 3, paragraphe 5, TUE.
Sur la seconde question
86 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si un justiciable ayant qualité pour agir en vertu du droit national, tel que la requérante au principal, est en droit de contester la validité des actes de conclusion et de mise en œuvre de l’accord de partenariat et du protocole de 2013, au motif que l’Union a violé le droit international.
87 Compte tenu de la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à cette seconde question.
Sur les dépens
88 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :
Dès lors que ni l’accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la Communauté européenne et le Royaume du Maroc ni le protocole entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues par l’accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc ne sont applicables aux eaux adjacentes au territoire du Sahara occidental, l’examen de la première question préjudicielle n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité du règlement (CE) n° 764/2006 du Conseil, du 22 mai 2006, relatif à la conclusion de cet accord, de la décision 2013/785/UE du Conseil, du 16 décembre 2013, relative à la conclusion de ce protocole, et du règlement (UE) n° 1270/2013 du Conseil, du 15 novembre 2013, relatif à la répartition des possibilités de pêche au titre dudit protocole, au regard de l’article 3, paragraphe 5, TUE.
Signatures