procédure de licenciement pour motif économique – plan de sauvegarde – validité du plan

procédure de licenciement pour motif économique – plan de sauvegarde – validité du plan

cassation 2

Arrêt n° 1299 du 3 mai 2012 (11-20.741) – Cour de cassation – Chambre sociale

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE

Cassation

principe

seule l’absence ou l’insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi soumis aux représentants du personnel entraîne la nullité de la procédure de licenciement pour motif économique 

la procédure de licenciement ne peut être annulée en considération de la cause économique de licenciement, la validité du plan étant indépendante de la cause du licenciement 


Demandeur(s) : La société Viveo France

Défendeur(s) : Le comité d’entreprise de la société Viveo France


Sur le moyen unique : 

Vu l’article L. 1235-10 du code du travail ;

Attendu qu’en vertu de ce texte seule l’absence ou l’insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi soumis aux représentants du personnel entraîne la nullité de la procédure de licenciement pour motif économique ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’après son intégration dans le groupe Temenos, la société Viveo France a soumis à son comité d’entreprise, en février 2010, un projet de restructuration impliquant la suppression de 64 emplois, ainsi qu’un plan de sauvegarde de l’emploi établi à cet effet ; qu’après avoir pris connaissance du rapport de l’expert qu’il avait désigné, le comité d’entreprise a engagé une procédure de référé tendant à l’annulation de la procédure de licenciement, dont il a été débouté, puis a saisi à jour fixe le tribunal de grande instance, pour qu’il soit jugé qu’aucune cause économique ne justifiait l’engagement d’une procédure de licenciement et pour obtenir l’annulation de celle-ci ;

Attendu que pour déclarer nulle la procédure de licenciement et tous ses effets subséquents, la cour d’appel a retenu qu’en prévoyant expressément que l’absence de présentation d’un plan de reclassement, intégré au plan de sauvegarde de l’emploi, est sanctionnée par la nullité de la procédure, le législateur a édicté une sanction qui n’apparaissait pas aller de plein droit car – sans cette précision – l’inobservation de cette obligation eut pu paraître insuffisante pour vider, d’emblée, la procédure de son objet et rendre, par là-même, sans intérêt la consultation du comité d’entreprise ; que tel ne peut être le cas, en revanche, d’une procédure engagée par l’employeur en l’absence de motif économique véritable, une telle carence vidant de sa substance cette consultation et privant de fondement légal le projet économique du chef d’entreprise ; que conclure le contraire reviendrait à ôter à l’intervention des représentants du personnel le sens et la portée des prérogatives que le législateur a entendu leur confier ; qu’une consultation sur un projet présentant comme existant un motif économique en réalité défaillant, ne peut caractériser une consultation conforme au voeu du législateur, lequel aurait manqué à la logique la plus élémentaire s’il avait entendu prévoir la nullité de la procédure de licenciement, en cas d’absence de plan de reclassement, sans avoir voulu la même nullité lorsque c’est le fondement même de ce plan et l’élément déclenchant de toute la procédure qui est défaillant ; que la lecture de l’article L. 1235-10 du code du travail ne peut donc se faire qu’à la lumière, à la fois, des règles de droit commun, selon lesquelles pour qu’un acte soit valable il doit respecter les prescriptions légales, et des dispositions particulières régissant, dans le code du travail, les relations du chef d’entreprise et des institutions représentatives du personnel ; que le tribunal de grande instance remplit son office en veillant au respect de la loyauté qui doit inspirer ces relations et, au premier chef, le projet de licenciement soumis par le chef d’entreprise au comité d’entreprise ; qu’en contrôlant la réalité du motif économique, invoqué dans ce projet, il ne s’agit nullement pour lui de s’immiscer dans la gestion de l’entreprise et de porter atteinte à la liberté d’entreprendre, mais seulement de contrôler la légalité de la procédure suivie ; qu’en l’espèce, il résulte du rapprochement de l’analyse des éléments comptables des sociétés du groupeTemenos et des perspectives de l’avenir commercial des activités de celui-ci que l’activité de ce groupe ne présente aucune fragilité actuelle ou inéluctable dans un proche avenir ; qu’il n’est pas établi que la compétitivité du groupe Viveo France soit actuellement en cause et que, partant, la procédure de licenciement réponde à une nécessité d’assurer la sauvegarde de cette compétitivité ; que le défaut de motif économique rendant sans objet la consultation du comité d’entreprise et l’ensemble de la procédure subséquente s’avérant par là même dépourvue d’effet, c’est à bon droit que le comité d’entreprise de la société ViveoFrance sollicite l’annulation de la procédure et de tous ses effets subséquents ;

Qu’en statuant ainsi alors que la procédure de licenciement ne peut être annulée en considération de la cause économique de licenciement, la validité du plan étant indépendante de la cause du licenciement, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 12 mai 2011, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles


Président : M. Lacabarats

Rapporteur : M. Bailly, conseiller

Avocat général : M. Foerst

Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Didier et Pinet

 

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