Agressions sexuelles – Harcèlement sexuel

Agressions sexuelles – Harcèlement sexuel

Arrêt n° 5020 du 18 novembre 2015 (14-85.591) – Cour de cassation – Chambre criminelle –

ECLI:FR:CCASS:2015:CR05020

Demandeur(s) : M. J. X…


Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 222-33 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

“en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. X… coupable de harcèlement sexuel ;

“aux motifs que Mme N. Y… a indiqué aux enquêteurs qu’elle travaillait au Super U de Vouillé en contrat à durée déterminée depuis le 26 novembre 2012 et que, dès le début, M. X… lui avait dit qu’elle était mignonne, qu’elle avait de beaux yeux et lui avait proposé d’aller prendre un verre après le travail ; que malgré ses refus réitérés, il avait renouvelé ses propos et ses invitations et lorsqu’elle lui avait dit qu’elle avait un ami, il lui avait répondu que ce n’était pas grave et qu’elle n’était pas obligée de le mettre au courant ; que lorsqu’il établissait les plannings, il s’arrangeait toujours pour finir le soir seul avec elle ; qu’elle a précisé que le harcèlement dont elle se plaignait était essentiellement au niveau de la parole : « C’était surtout des attitudes, des regards, des sous-entendus qui rendait le travail pénible » ; qu’elle a raconté, toutefois, qu’un jour qu’elle se trouvait seule avec lui dans une chambre froide, il l’avait prise par la taille en lui demandant si elle n’avait pas peur de se trouver seule avec lui dans ce lieu et qu’une autre fois, alors qu’elle lui disait avoir eu froid dans la chambre froide, il lui avait rétorqué qu’elle aurait dû l’appeler et qu’il l’aurait réchauffée ; qu’une autre fois où elle expliquait son absence par une panne de véhicule, il lui avait dit avec un air ironique qu’elle aurait dû l’appeler et que pour le rattrapage des heures, « on allait s’arranger », ce qui l’avait mise mal à l’aise ; que lorsqu’elle lui avait demandé à disposer d’un passe pour ne plus avoir à lui téléphoner lorsqu’elle rentrait dans le magasin, il lui avait répondu « quand j’aurai eu ce que je veux » et quand elle avait rétorqué qu’il risquait d’attendre longtemps, il lui avait dit qu’il n’abandonnait jamais ; qu’elle faisait état d’une ambiance rendue malsaine par les avances insistantes et renouvelées de M. X…, de la nécessité de surveiller la moindre parole car elle pouvait donner lieu à une réflexion déplacée et des angoisses qu’elle ressentait lorsqu’elle devait se retrouver seule avec lui ; que Mme A. Z… a indiqué qu’elle travaillait au Super U de Vouillé, d’abord en mission d’intérim depuis le 7 décembre 2011, puis en contrats à durée déterminée à compter du 15 octobre 2012 ; qu’elle disait que dès novembre 2011, M. X… lui avait dit de façon insistante et renouvelée qu’elle était belle, mignonne et qu’il voulait sortir avec elle ; qu’elle lui avait signifié son refus ; que lorsqu’il avait su qu’elle fréquentait un vendeur du magasin, il avait repris ses avances et ses propositions et s’était mis à dénigrer son ami ; que le 25 janvier 2013, il avait prétendu devoir la voir dans son bureau parce qu’il « savait des choses sur son copain » et le soir même, il lui avait réclamé un baiser ; qu’elle a fait état de « réflexions et de regards » ; qu’à partir du 26 janvier 2013, il lui avait envoyé des SMS et quand elle lui avait dit de cesser, il l’avait menacée en lui disant qu’elle « était sur la sellette » ainsi que son ami et qu’au moindre faux pas, elle serait sanctionnée ; qu’à l’inspecteur du travail, elle a fait part de sa peur de M. X… : « je ne veux pas aller en réserve seule… jestresse quand je finis tard… je me gare au plus près de la porte d’entrée car il y a le vigile avec son chien… je n’aime pas faire les fermetures seule avec M. X… » ; qu’elle a contesté avoir reçu M. X… à son domicile à plusieurs reprises et l’avoir embrassé et a précisé que son comportement avait entraîné chez elle un état dépressif ; qu’elle a remis aux enquêteurs la copie des SMSreçus, un certificat médical daté du 30 janvier 2013 constatant qu’elle présentait « un syndrome anxio-dépressif qu’elle attribuait à un vécu professionnel difficile » ; que Mme Y… et Mme Z… ne se fréquentaient pas en dehors du travail et ne se connaissaient pas autrement que comme collègues ; que cependant, toutes deux relatent le même type de comportement insistant et d’invitations renouvelées en dépit des refus opposés, une attitude ironique et pleine de sous-entendus et des tentatives de contact physique (prendre par la taille, tenter d’avoir un « bisou ») ; que l’une comme l’autre n’ont jamais varié dans leurs déclarations, qu’elles aient été faites devant les enquêteurs, dans les lettres qu’elles ont remis à leur employeur, devant l’inspecteur du travail comme devant le tribunal correctionnel et la cour ; qu’aucune des deux n’avait eu de problème de ce type auparavant et suite à ces faits, leurs contrats de travail, qui étaient à durée déterminée, n’ont pas été renouvelés comme ils l’avaient été antérieurement ; que la lecture des messages électroniques échangés entre M. X… et Mme Z… ne laisse planer aucune ambiguïté sur les intentions de celui-là et sur le refus réitéré de celle-ci ; qu’il n’est produit aucun élément permettant de mettre en doute les déclarations constantes, concordantes et parfaitement crédibles des deux parties civiles ; que M. X… a reconnu qu’il avait fait aux deux plaignantes, sur le lieu de travail, des propositions explicites ou implicites de nature sexuelle, même s’il affirme ne pas avoir insisté ; que la mauvaise appréciation qu’il peut avoir de son comportement est démontrée non seulement par les dires de parties civiles, mais également par le fait qu’il a antérieurement été condamné pour des faits similaires qu’il continue à nier ; qu’au regard de l’ensemble de ces éléments, il est suffisamment établi que M. X… a imposé à Mme Y… et à Mme Z…, qui étaient professionnellement ses subordonnées, de façon répétée, des propos et un comportement à connotation sexuelle qui ont placé celles-ci dans une situation intimidante, hostile et offensante ; que l’infraction de harcèlement sexuel est donc constituée ;

“alors que le délit de harcèlement sexuel prévu par l’article 222-3, I, du code pénal suppose, pour être constitué, que l’auteur des propos ou comportements à connotation sexuelle ait conscience d’imposer ces actes à la victime ; qu’en déclarant M. X… coupable de ce délit à raison des propositions de nature sexuelle qu’il reconnaissait lui-même avoir faites aux deux plaignantes tout en constatant que son affirmation suivant laquelle il n’avait pas insisté démontrait qu’il avait une mauvaise appréciation de son comportement, ce dont il résultait qu’il n’avait pas conscience d’avoir imposé celui-ci aux deux parties civiles, la cour d’appel a méconnu les textes et le principe ci-dessus mentionnés” ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que, suite à une plainte déposée par deux salariées du magasin d’alimentation dans lequel il était chef de rayon, M. X… a été poursuivi devant le tribunal correctionnel du chef de harcèlement sexuel ; qu’il a relevé appel de la décision l’ayant déclaré coupable de ce délit et condamné à 1 500 euros d’amende ;

Attendu que, pour confirmer le jugement, l’arrêt retient que M. X… a, de manière insistante et répétée, en dépit du refus des salariées de céder à ses avances, formulé, verbalement ou par messages électroniques (SMS), des propositions explicites ou implicites de nature sexuelle, et adopté un comportement dénué d’ambiguïté consistant notamment à tenter de provoquer un contact physique ; que les juges ajoutent que les salariées ont souffert de cette situation au point d’alerter l’inspection du travail ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, desquelles il résulte que le prévenu a, en connaissance de cause, même s’il a mésestimé la portée de ses agissements, imposé aux parties civiles, de façon répétée, des propos ou comportement à connotation sexuelle les ayant placées dans une situation intimidante, hostile ou offensante objectivement constatée, la cour d’appel a fait l’exacte application de l’article 222-33 du code pénal ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;


Président : M. Guérin
Rapporteur : M. Béghin
Avocat général : M. Vallon
Avocat(s) : SCP Potier de la Varde et Buck-Lament ; Me Balat ; SCP Hémery et Thomas-Raquin

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